bloc-notes #5 | |
Mardi 17 Août 2010 - Texte : d'après Éric Rubert / PCCO Offranville > Phocal Allauch Le Sport... au-delà du Sport ! Avec Gérard Vandystadt L’homme ne s’en cache pas : il n’a jamais pratiqué d’activités sportives. Derrière la fumée d’un nouveau cigare, se cache un visage jovial, souriant, accueillant, très chaleureux. L’œil est malicieux et on le devine aisément scrutant le moment opportun derrière le viseur d’un Nikon, le moment où l’ombre de deux tribunes de football vont se rencontrer pendant quelques secondes pour insérer un gardien de but, semblable à un funambule, dans un faisceau de lumière. Gérard Vandystadt n’a donc jamais pratiqué le sport mais, comme il le précise dans l'un de ses livres, il « aime le sport au-delà du sport…».
Après quelques mots échangés avec le créateur de l’Agence Vandystadt qu’il dirigea de 1977 à 2004, devenue la première agence photographique de sport française et à partir de 2005, Photographe-Directeur et Directeur Artistique (D.A.) de l'Agence photographique française Regards du Sport - vandystadt.com, ce credo est certifié, labellisé. Discuter avec lui est chose aisée car la langue de bois reste toujours au vestiaire. Il explique avec un sourire ironique combien les gens sont « amis » dans ce milieu de la photographie de presse, où un petit siège de toile apporté par un organisateur du service de presse des J.O. de Sydney (en 2000) à un seul (photographe de S.I./USA) d’entre eux, fait office de privilège exorbitant. On se demande alors comment un homme d’apparence si gentille a pu faire sa place dans un monde de concurrence extrême. La réponse, il l’apporte rapidement en commentant les photos de l’exposition : le talent. Même si selon ses propos, ce sont « aussi... et beaucoup parfois » les athlètes qui font les photos, on ne peut s’empêcher de penser que le photographe y est pour quelque chose ! Il y a, bien entendu, d’abord les photos qui figent le moment opportun, l’instant décisif, tels ces documents de courses automobiles où les accidents créent l’image. La chance doit être au rendez-vous comme pour cette photo d’Alain Prost (Archives de l'Agence Vandystadt), sautant de joie après son premier titre de Champion du Monde malgré une panne d’essence quelques centaines de mètres après la ligne d’arrivée, document extraordinaire qui a dû éviter au photographe une belle remontée de bretelles car « il n’aurait jamais dû se trouver à cet endroit de la piste : il ne devait rien s’y passer ». Ces photos uniques, exceptionnelles, ne sont probablement pas pourtant les photos préférées de Gérard Vandystadt.
Celles qu’il aime, par-dessus tout, sont celles qui se suffisent à elles-mêmes, quels que soient le moment, le lieu, les acteurs, celles où le photographe a su atteindre l’indicible, la beauté, l’art, et surtout l'humain. Il se montre ainsi très heureux de l'une de ses propres photos où l'on découvre une athlète (l'australienne Cathy Freeman), assise sur la piste d'athlétisme des J.O. de Sydney, le regard et la main tendus vers une autre main inconnue. Cette vue va « au-delà du sport…», elle est universelle et le fait que l’athlète soit championne olympique n’ajoute rien à la beauté. Le photographe a su saisir un moment d’humanité « dans le vaste bordel qui règne autour ». © Photo Gérard Vandystadt, Jeux Olympiques de Sydney - Australie (2000) Catherine Freeman, Médaille d'or du 400m.
© Photo Gérard Vandystadt, Gymnastique Rythmique - Tournoi International de Corbeil, France, La Chinoise Wang Xiuyun (1989). Cette photo a été récompensée par le 1er Prix du World Press Photo / Sport, en 1989. Grande première pour une photo française.
Pourtant, cette philosophie n’est certainement pas suffisante pour réussir et il faut aussi savoir «encaisser» certaines frustrations et souffrances. Pareillement, il propose après la Coupe du Monde 98 et l’Euro 2000 de réaliser, en toute amitié, un «poster» souvenir (distribué gratuitement) et représentant les «Bleus» de l'époque, pour marquer leur fabuleuse aventure et présenter les 2 livres qu'il a lui- même conçus, réalisés, édités et... financés, et qui relatent, textes et photos, les 2 événements... Mais la Fédération Française de Football (FFF) appelle Gérard Vandystadt quelque temps plus tard, pour réclamer une participation financière (sic) de 4.500 €, parce que l'une des photos du poster représente «l'équipe de France... en maillots Bleus» ! Comme le dit Gérard avec un sourire amer : ils ont aussi besoin de notre argent «pour leurs bonnes œuvres…». (ndlr : Gérard Vandystadt a «payé», et tous les posters ont été distribués gratuitement).
C’est aussi dans la «fosse», un lieu qui n’a jamais autant mérité son nom, que se préparent les grandes photos des J.O. ou des grandes épreuves d’athlétisme. « Nous sommes plusieurs centaines de photographes à vouloir saisir l’arrivée du 100 mètres hommes. Pour une course qui se déroule en début d’après-midi, il arrive que l’on s’installe dans la fosse à une heure du matin ». Quand on écoute le directeur d’agence et le photographe, on devine aisément que le stress est au moins égal à celui des athlètes, mais pour les photojournalistes de sport, celui-ci est présent à vie... partout et toujours : « aux J.O. entre autres, on n’a pas le droit à l’erreur. Si on se loupe, il faut attendre… quatre ans ou jamais».
Alors le matériel, les gros télé-objectifs et les zooms, tout cela est utile, voire indispensable mais reste pourtant anecdotique. L’essentiel est dans le regard du photographe, ce regard qui arrivera à faire qu'un contre-jour saisi lors d’une victoire en fauteuil roulant deviendra un superbe symbole d’une victoire sur la vie, ou bien à transformer une photo des cyclistes du Tour de France dans les tournesols en document exceptionnel ! Le Tour, cette course magique où Gérard, le photographe, anticipe toujours sur le passage du peloton à la recherche d’un point de vue original, ce qui lui a permis de faire des rencontres… intéressantes : «Je pénètre un peu chez des vieilles dames sans trop de cérémonie au 3ème ou au 8ème étage et je repars (en remerciant) sans m'attarder plus, un peu comme un gentleman cambrioleur... d'espace ». Parfois même, il arrive au «malheureux» photographe de devoir repartir encore plus rapidement, alors que l’hôtesse insiste. On devine, au regret toujours perceptible de Gérard Vandystadt, que la dame ne devait pas être si vieille que cela.
Mais pas le temps, ce temps si terrible qui fera aussi d’une superbe photo d’aujourd’hui, un très bon document d'histoire dans deux ans, et peut-être une œuvre patrimoniale «historique» dans 25 ans. Ce temps, juge implacable, est aussi l'aune véritable à laquelle se révèle la véritable beauté et parfois la grandeur d’une photo.
Lettres photographiques / Gérard Vandystadt, préf. Hervé Le Goff, textes Gérard Vandystadt, Dominique Buisson, Suzanne Bonnier, 212 photographies Agence de Presse Vandystadt. Lieu / Date Paris : Ed. Vandystadt 1994, 252 p. 212 ill. 28 x 30 cm.
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LETTRES PHOTOGRAPHIQUES, La tâche n’a certainement pas été aisée. Mais le résultat est à la hauteur du fol défi que les responsables de l’agence de photo Vandystadt/Allsport France se sont eux-mêmes lancé: 212 photographies à coucher sur papier glacé - mais seulement dans sa texture - et à sélectionner parmi les quelque quinze millions de clichés accumulés et conservés au cours de vingt ans de carrière par de grands professionnels de la photographie sportive qui ont sillonné continents et compétitions sportives olympiques ou autres pour exercer leur métier, leur passion. Alors un livre de photos sportives de plus sur le marché? Assurément pas. S’appuyant sur des citations des plus grands écrivains, philosophes et penseurs de tous les temps, cet ouvrage rare met en parallèle, de façon abrupte et sans fioriture une idée ou une maxime d’auteur. souvent sortie de son contexte, avec une photo de sport. Choc brutal de deux formes d’expression, de deux sensibilités, parfois de deux sensualités. Quand l’écrit et l’image se rejoignent pour ne susciter qu’une seule et unique émotion intense. Lorsque la pensée intellectuelle portée par toutes ces signatures de renom se met au service du visuel, du vécu, de l’acte sportif, du moment de sport, du geste de sport, qui traduit l’effort, la peine, le dépassement de soi, la solitude de la compétition, la chaleur de l’équipe, la beauté de l’environnement, la joie, la déception, jamais des sentiments mièvres ou en demi-teinte. Lorsque le photographe, témoin de son temps, essaie de fixer sur la pellicule l’instant | présent, lorsqu’il s’essaie à l’exercice humain le plus difficile, le plus arrogant et le plus inutile: arrêter le temps, le capturer, le captiver, au sens premier du terme c’est-à-dire de le rendre prisonnier, pour mieux juguler la peur séculaire de l’espèce humaine: la fuite du temps, celle de la vie qui passe, qui donne des rides, laisse vieillir et fait appel aux générations futures. Pour témoigner, pour laisser une trace d’une courte présence terrienne et terrestre que l’on jugera à l’aune des temps intersidéraux. Si c’est l’idée sous-jacente des auteurs, alors oui cet ouvrage est ambitieux, voire provocateur, mais n’est-ce pas aussi une partie de notre | «Certes, je sortirai quant à moi satisfait d’un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve...» on voit bien que Baudelaire, poète de son temps, n’a pas vécu la cérémonie d’ouverture des Jeux à Albertville, imaginée, conçue, jouée par un artiste du XXe siècle, le chorégraphe Philippe Decouflé, car chez lui action et rêve sont en totale symbiose. Pour l’humoriste Tristan Bernard «l’athlète inspire le poète et le poète magnifie l’athlète». Depuis des temps immémoriaux: l’être humain a eu besoin que l’on parle de ses faits, de ses exploits, le troubadour, le poète, le chroniqueur, puis le journaliste, en ont fait la relation ponctuelle et exacte. Le photographe y apporte un témoignage complémentaire: celui du vu, par rapport à celui du dit ou du rapporté. Lorsque l’image fixe ou arrêtée délivre d’un intermédiaire et permet d’être le témoin unique et donc forcément privilégié. Rénovateur des Jeux Olympiques de l’ère moderne, le baron de Coubertin aimait à souligner, alors qu’il venait d’instituer en parallèle aux joutes sportives des concours d’art - poésie, littérature, architecture - que «le sport est occasion d'art». Ce livre - au titre ô combien exact - car en le feuilletant on ne sait plus très bien si c’est le texte qui illustre la photo ou si c’est la photo qui vient en point d’orgue à l’écrit, ravira tous ceux et celles qui dans le sport ne voient pas seulement une seule activité physique mais l’expression d’une noble philosophie humaine: la victoire avant tout sur soi-même. Mais laissons à Oscar Wilde le mot de la fin - temporaire - «La beauté n’est qu’un instant de bonheur-. Les auteurs de cet ouvrage nous en offrent une belle palette. Et le bonheur est l’apanage de l’humain. Essayer de fixer le temps aussi. Michèle Verdier | |||
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